Gourcuff, le désigné coupable

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La vindicte populaire a obtenu ce qu'elle voulait : une tête coupée. La masse se réjouit du choix de Laurent Blanc, toute persuadée qu'elle est d'avoir eu raison dès le début. Mais ne dit-on pas que l'intelligence d'un groupe d'individus est inversement proportionnelle au nombre de personnes qui le compose ?

• Par N. Morvan

Qu’est-ce qu’un sélectionneur ?

L’appellation même du poste de chef de l’Etat Football devrait en partie nous éviter les analyses vides de sens. En effet, Laurent Blanc est là pour sélectionner, pour faire un choix par définition forcément subjectif. Si la formation du groupe France devait se faire au simple mérite ou être laissée au vote du public, autant alors en donner la constitution à un jury de radio crochet.

L’incapacité du public à accepter les choix du sélectionneur est d’autant plus illogique que ces mêmes observateurs en attendent des facultés tactiques propres à former un collectif équilibré et… logique.

Sacrifier tel ou tel joueur au profit d’un élément moins en vue mais plus utile dans une perspective globale du projet sportif devrait être donc être la norme.

On a coutume de dire que la France compte 60 millions de sélectionneurs, ce phénomène n’est donc pas nouveau. Mais l’évolution des interactions entre responsables et observateurs lambdas -le broadcasting est mort au profit de l’ego casting- glorifie aujourd’hui plus qu’hier le simple fait de donner son avis, quel que soit la cohérence de celui-ci.

La jurisprudence Jacquet

Le propre de l’Homme (du Français ?) est aussi parfois d’oublier très vite les erreurs du passé sans jamais sembler en tirer des enseignements ; la soif de polémique et de contradiction primant sur l’analyse.

Quand on se souvient de la fronde anti Dugarry de 98 -et du public retournant sa veste dès son premier but face à l’Afrique du Sud- on peut s’étonner de voir encore aujourd’hui le débat autour de Yoann Gourcuff se cantonner au seul volet du “mérite”.

Notons par ailleurs qu’Aimé Jacquet avait été brûlé sur la place publique pour avoir constitué une pré-liste de joueurs, devenue aujourd’hui la norme avant toute compétition internationale. Elle a d’ailleurs su encore apporter aujourd’hui son lot d’animation à une population avide de nouvelles à sensation. Du pain et des jeux.

Le vilain petit canard

L’argument souvent énoncé selon lequel le Lyonnais aurait “du mal à trouver sa place dans le groupe” rend lui aussi compte de toute la contradiction et du manque de recul qui entourent cette “affaire”.

Nous sommes ainsi aussi prompts à s’accorder sur le fait qu’un collectif “doit bien vivre” qu’à prôner que des professionnels sur-payés doivent savoir faire abstraction de toutes rancoeurs personnelles. Penser que les équipes qui réussissent sont composées de joueurs tous amis est d’une naïveté rare.

Qui plus est, on se souviendra que les prétendues tensions entre Gourcuff et ses collègues de profession ont un temps côtoyé des analyses aussi peu fines que celles portant sur ses orientations sexuelles (!).

Le viseur était depuis bien longtemps tourné vers ce désigné coupable dont tout le monde attendait la montée vers l’échafaud ; en ce sens, Laurent Blanc ne lui a sans doute pas fait un cadeau en le sélectionnant pour mieux l’offrir en pâture. Jusqu’à réaliser une chose élémentaire : le seul crime de Yoann Gourcuff est d’avoir répondu à l’appel de son sélectionneur.

Peu importe donc au fond qu’il ait mérité ou non sa place en Equipe de France. Il est préférable de penser (d’espérer) que Laurent Blanc l’a évincé en considérant que sa présence n’apporterait pas un plus à son projet de jeu.

Aux 23 rescapés de donner maintenant raison à leur sélectionneur.