Nasri-Gourcuff, artistes associés

Le meneur de jeu de l'OL devrait être aligné avec le milieu offensif d'Arsenal. (Reuters)

Par J.-S. G.De Football.fr

Entre Sarajevo et Londres, il y a un gouffre. Après avoir évolué dans un système assez défensif lors de son gros match des éliminatoires contre la Bosnie (pour une victoire 2-0), Laurent Blanc devrait opter pour une stratégie davantage portée vers l'avant lors du match de gala contre l'Angleterre, ce mercredi soir à Londres. En concurrence dans le 4-2-3-1 utilisé contre la Roumanie et le Luxembourg le mois dernier, les deux meneurs de jeu Samir Nasri et Yoann Gourcuff seront associés dans un 4-3-3 à Wembley, face à une équipe britannique amputée de plusieurs cadres. Un test grandeur nature pour les deux potentielles stars des Bleus.

Il est une nouvelle fois question de rappeler le carré magique Platini-Giresse-Tigana-Genghini (ce dernier étant ensuite remplacé par le récupérateur Fernandez) ou encore le duo de stars Zidane-Djorkaeff. Les plus glorieuses pages de l'équipe de France se sont écrites avec l'union de créateurs emblématiques, du moins avec un meneur de jeu de légende. Laurent Blanc s'appuierapeut-être sur un système construit autour d'un milieu offensif central pour se qualifier et faire bonne figure à l'Euro 2012. Le jeune coach dispose justement de deux meneurs de jeu de qualité, Yoann Gourcuff et Samir Nasri, prêts à devenir des cracks en Europe dans les prochaines années.

Si le premier a pris les rênes de la sélection tricolore depuis 2 ans sous le commandement de Raymond Domenech, sans pourtant s'imposer pleinement, le second tient désormais la corde dans le onze de départ de Laurent Blanc, à la faveur d'un excellent début de saison avec Arsenal. Le mois dernier lors des deux matches des éliminatoires contre la Roumanie puis le Luxembourg, le Marseillais a ainsi été titularisé lors de la première victoire 2-0, fournissant une excellente prestation, avant de céder sa place à l'actuel Lyonnais, entré en jeu face à Niculae et consorts et titulaire face aux faibles Luxembourgeois, pour un but à chaque rencontre. Les deux créateurs ont même fini ensemble la rencontre à Metz, Nasri évoluant sur les côtés.

Jacquet: "Ne jamais forcer une entente technique"

Contre l'Angleterre ce mercredi soir, lors d'un match amical face à une sélection amputée de ses grandes stars (Lampard, Rooney ou Gerrard), Laurent Blanc devrait rééditer l'expérience dès le coup d'envoi de la partie. Depuis sa prise de fonctions, l'ancien technicien des Girondins de Bordeaux a souvent été questionné sur la comptabilité des deux joueurs, les amoureux de l'équipe de France rêvant d'une plus séduisante formation possible. "Rien n'oblige à avoir un vrai meneur, mais des joueurs capables de faire mieux jouer l'équipe sont très intéressants. Dans notre cas, Samir et Yoann peuvent remplir ce rôle", aura par exemple expliqué le "Président", avant le dernier rassemblement.

Le libéro des champions du monde 98 prendra peut-être conseil auprès d'Aimé Jacquet (si ce n'est déjà fait). "Je suis parti du principe que j'avais deux types intelligents (Zidane et Djorakaeff), capables de s'entendre pour le bien de l'équipe de France. C'est ce qui s'est passé. A leur niveau, c'est une question d'envie. Ce qui compte, c'est de ne jamais forcer une entente technique. Il faut la rendre naturelle. Cela se fait par étapes", expliquait-il dans Le Parisien, avant de conclure: "Laurent a eu raison de leur donner juste trente minutes ensemble contre le Luxembourg. Il faut commencer ainsi en leur laissant un peu de liberté pour regarder ce que ça donne. Ensuite, on parle avec les joueurs, on échange et, éventuellement, on rectifie le tir".

En relayeurs contre des "faibles"?

Déjà essayé chez les Espoirs par René Girard, le possible duo Gourcuff-Nasri actuellement imaginé par Blanc n'a rien de comparable avec l'entente mythique entre Zidane et Djorkaeff. Les deux joueurs, quand ils étaient associés, évoluaient bien plus haut, soit juste derrière une seule pointe (Guivarc'h, lors des derniers matches de la Coupe du monde 98), soit en positions de milieu offensif (Djorkaeff étant décalé à droite à l'Euro 2000). Mais en aucun cas en tant que relayeur, poste que le "Snake" n'aura quasiment jamais connu dans sa carrière.

L'avantage de Blanc repose ainsi sur ce système en 4-3-3 prôné à outrance depuis le début des années 2000. Les deux meneurs de jeu peuvent très bien évoluer un peu plus loin de l'avant-centre, en tant que relayeurs, dans un entrejeu à trois têtes derrière une sentinelle (probablement M'Vila contre les Anglais). Cette position hybride, les deux joueurs l'occupent en club. L'exemple Iniesta-Xavi avec le Barça et l'Espagne pourrait déteindre sur Blanc lors des matches contre des sélections plus faibles. Solution alternative: le coach tricolore peut conserver son 4-2-3-1 en maintenant Nasri en 10, avec Gourcuff devant la défense, même si ce dernier n'apprécie guère ce poste éprouvant et moins libre, d'autant que la présence d'un véritable relayeur plus puissant (Diaby notamment) est plus appropriée.

Autre possibilité: Blanc peut redonner le rôle de patron à Gourcuff et décaler Nasri à droite, mais ce dernier empiétera beaucoup trop dans la partie axiale de Gourcuff (à l'instar d'un Anelka) et n'a pas les mêmes qualités de débordement qu'un Valbuena, Rémy, Payet ou même Ribéry (bientôt de retour). Evident dans certaines situations, le duo de créateurs Gourcuff-Nasri pourrait seulement être un plan B. Aligner 3 voire 4 meneurs de jeu ou milieux créatifs, comme Hidalgo a fait il y a un quart de siècle, est considéré comme une véritable aberration dans le football moderne. A l'exception d'un Barça au style véritablement inimitable.