"Il y a un peu plus d'un an, il dominait la L1 avec Bordeaux. En 2010, le milieu de terrain devenu lyonnais à l'intersaison, a connu un véritable trou d'air. Yoann Gourcuff, personnage discret mais omniprésent médiatiquement, saura-t-il réagir?
Il y a deux ans, Yoann Gourcuff s'imposait comme le meneur de jeu des Bleus avant de subir en 2010 une baisse de régime préoccupante. Soutenu en équipe de France par Laurent Blanc, qui avait relancé sa carrière à Bordeaux, le milieu de terrain de l'OL traverse, à vingt-quatre ans, une période difficile et il intrigue : sa personnalité complexe est difficile à appréhender.
YOANN GOURCUFF n'avait-il pas tout pour incarner la nouvelle vague et rassembler autour de lui le football français post-Zidane? Un regard, un sourire, un visage, un talent, une aisance, une part de mystère, aussi, derrière ses silences et ses non-dits. Et, cerise sur le gâteau, une gestuelle comparable à l'ancienne icône des Bleus - pied droit, pied gauche, roulettes, zigzags, coups francs -, avec lequel le rapprochement était tentant. Même poste, mêmes maillots à Bordeaux et en équipe de France, même retenue et même stratégie : le terrain comme moyen d'expression, la publicité comme outil de communication.
Il y a deux ans, en plein coeur d'une formidable saison2008-2009, on y a vraiment cru, ici et là. On y croit toujours, mais moins. Parce que ses performances sont en baisse constante depuis un an, parce que le scepticisme est partout, même chez ceux qui l'aiment, et parce que les langues se délient, aussi. Que Thierry Henry et son orchestre aient brocardé son côté nouvelle star durant la dernière Coupe du Monde, la mesquinerie pouvait l'entendre. Que Florent Malouda ait un jour rétorqué à Raymond Domenech, alors que ce dernier lui réclamait davantage d'investissement défensif, la phrase suivante : "Défendre plus pour Zidane, O.K, pas pour Gourcuff." était plus surprenant. Mais quand c'est Paolo Maldini, l'ancien défenseur de l'AC Milan, qui dénonce son comportement, l'air grave, en porte-parole d'un club marqué par le passage de Gourcuff (voir par ailleurs), tout le monde s'interroge.
Jalousie? Complot? Acharnement? C'est la thèse soutenue au nom de 'la différence qui dérange", par son entourage, dont Christian Gourcuff, entraineur de Lorient et papa du joueur, logiquement touché et évidemment protecteur. Un registre sur lequel l'Olympique Lyonnais, d'habitude si prompt à dénoncer les cabales, n'a pas surfé. Car, de Milan à Lyon, en passant par Bordeaux, les anecdotes et les témoignages recoupent un profil psychologique étonnant, où se mélangent les idées d'insoumission, d'indiscipline, d'insouciance ou d'inconscience, selon la tolérance de l'observateur. Où reviennent en boucle les mêmes constats : personnage fermé, surprotégé, méfiant, sauvage, pas très sociable, réfractaire à la critique, indifférent aux autres, à l'exception de son cercle. Au nom de ses intérêts marketing et de son retour sur investissement (22M d'€ de transfert payés à Bordeaux, sans les éventuels bonus, et 500 000€ de salaire brut mensuel), l'OL concourt à la surprotection de sa star, dans l'espoir d'inonder le pays de maillots lyonnais portant son nom. Mais, quand le joueur tente de justifier son rendement du moment ("Il n'y a pas de continuité dans mes performances", regrettait-il dans Sud-Ouest leweek-end dernier) en invoquant la perception du foot de son entraineur, alors Claude Puel lui renvoie la balle sur un thème bien connu dans le milieu : l'immaturité du joueur, rarement responsable, souvent victime...
Surprotégé par l'OL, soutenu par Blanc
"J'ai envie d'avoir des joueurs adultes, qui ne cherchent aucun faux-fuyants quand ils passent à travers. La bonne attitude, ce n'est pas de faire des déclarations à droite ou à gauche.", a considéré Puel vendredi dernier. Ingrat, Yoann Gourcuff? Simplement maladroit? Ou profondément remonté contre Puel, auquel il reprocherait sa prudence et son choix de ne pas l'installer dans une position plus axiale, basse ou haute, dans laquelle il toucherait plus de ballons? Si Yoann Gourcuff apparaît à certains inadaptés à la vie de groupe et aux changements d'environnement, Laurent Blanc, son ancien entraineur à Bordeaux, aujourd'hui sélectionneur, semble parfaitement adapté au joueur. Il est aujourd'hui son soutien le plus précieux, probablement parce qu'il le considère comme il aime être vu,en joueur de foot, point final. Car Gourcuff fils conçoit sa vie en homme de terrain, si possible dans une équipe de copains (d'où aussi, le rapprochement avec ses amis Hugo Lloris et Jérémy Toulalan à Lyon) loin des contraintes commerciales qu'il repousse et d'un star-system qu'il redoute. En contradiction avec le fait de confier ses intérêts à Maître Didier Poulmaire, sans lequel rien n'est possible, ni la grande interview, ni la plus petite action caritative? Pas forcément. Plutôt pour ne plus se soucier des aspérités du business. Ils sont quelques-uns, influents mais pas assez, à vouloir éloigner Poulmaire de Gourcuff, afin de voir l'international gagner en autonomie et en ouverture. Mais combien sont-ils, autour du joueur, à lui suggérer que les problèmes, comme les solutions, pourraient un jour venir de lui? " (Régis Testelin)
les mots durs de Maldini
LE 26 NOVEMBRE DERNIER, dans ces colonnes, Paolo Maldini (42 ans), ancien défenseur et capitaine de l'AC Milan, avait ouvertement critiqué Yoann Gourcuff. L'italien estimait que le Français avait été le premier responsable de son échec en Lombardie. Extraits.
"Gourcuff, au Milan, s'est trompé à 100%. De ce que j'ai vu, une bonne part des torts provient de lui. Son problème ici, c'était son comportement. Il ne s'est pas montré intelligent dans la manière de se gérer lui-même. C'est vraiment dommage parce que personne ne remet en cause les qualités techniques de Yoann."
"Lorsqu'il jouait ici, il n'avait pas envie de se mettre à la disposition du groupe. (...) La tactique, il ne voulait pas la travailler. Il n'était pas toujours à l'heure. Il s'est passé beaucoup de choses. des choses qu'il n'est pas possible de raconter. Mais lui, il sait très bien ce qu'il a fait."
"Quand il entrait en jeu, il ne se donnait pas à fond. Des joueurs moins talentueux ont gagné le respect à l'AC Milan parce qu'ils donnaient tout. Lui, il ne l'a pas fait. Et ça, il le sait. Au bout d'un moment, il était devenu un corps étranger au groupe. S'il y avait une règle qui était instaurée, il la cassait."
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