Football mercredi 05 juin 2013
Le Breton de l’Olympique Lyonnais, discret ces
derniers mois en interview, mais en net regain de forme s’est confié à
Ouest-France avant le match Uruguay-France de Montevideo, à l’occasion
de son retour chez les Bleus.
Yoann, qu’est-ce que cela représente pour vous, de jouer contre l’Uruguay, ici à Montevideo ?
C’est
important, l’Uruguay est une nation qui a une longue Histoire. Certes,
elle est un petit peu moins bien aujourd’hui, mais elle n’était pas si
mal il n’y a pas si longtemps. C’est une vraie terre de foot d’où
sortent beaucoup de joueurs. Même si le style sud-américain est
peut-être moins présent que par le passé parce que les joueurs évoluent
tous en Europe et qu’on les connaît bien. Mais c’est agréable de venir
ici, et pour moi c’est la première fois.
Vous avez joué contre la Céleste en 2010, lors du dernier Mondial, en Afrique du Sud, au Cap…
On
n’avait pas fait un mauvais match (0-0) face à une équipe assez
rugueuse, qui se concentrait beaucoup sur les deux surfaces de
réparation. Elle a toujours de grosses qualités offensives, avec Forlan,
Suarez et Cavani, mais elle est passée de cinq à quatre défenseurs
aujourd’hui.
« Je n’ai pas d’avenir comme milieu sur le coté »
Vous allez évoluer contre elle sur le côté gauche, a annoncé le sélectionneur…
A
27 ans, depuis ces deux derniers mois avec Lyon, je découvre un nouveau
poste. J’ai joué milieu coté droit ou axial à Rennes, un peu axial
gauche à Milan, dans un milieu à trois… Je suis étonné car j’arrive à
peu près à prendre du plaisir dans un poste qui n’est pas le mien. C’est
bien d’être polyvalent pour dépanner, mais je n’ai pas d’avenir à ce
poste-là, je ne pense pas. Certes j’arrive à trouver des repères et ses
sensations au fil des matches, mais je reste persuadé que la où j’ai le
plus d’influence et là ou mes qualités ressortent le mieux, c’est dans
une position axiale. C’est une certitude pour moi. Je n’ai pas de
qualités de percussions, pour aller fixer le latéral adverse et
déborder, je ne joue pas comme un ailier, je ne sais pas faire ça… Alors
j’essaie d’être malin, de me mettre dans les intervalles…
Benoit Trémoulinas sera derrière vous face à l’Uruguay…
J’ai
joué deux ans à Bordeaux, avec lui, et il y avait une bonne complicité
entre nous. Ca peut donc m’apporter du soutien et me permettre de
combiner plus facilement. Dans une position axiale, on a plus
d’influence sur le jeu, on peut l’orienter, être à la base du jeu
collectif. J’ai besoin de toucher pas mal de ballons, de donner, de
bouger, d’être actif pour avoir de la confiance et pouvoir tenter de
choses. On a une plus grande liberté d’expression dans l’axe et on est
plus concentré. La difficulté du poste sur le côté, c’est quand tout se
passe de l’autre coté : on ne touche pas le ballon parfois pendant 10
minutes et quand ça arrive enfin d’un coup, on n’est plus complètement
sensibilisé et c’est le duel tout de suite ! Il faut être réactif, ce
n’est pas facile.
« C’était plus intimidant quand j’ai débuté que pour les nouveaux aujourd’hui »
Vous serez, ce soir face à l’Uruguay, le Bleu qui aura le plus de sélections après Bacary Sagna (33 et 30)…
Ça
passe vite ! Une nouvelle génération arrive. Il n’y a pas beaucoup de
joueurs présents ici qui étaient là quand j’ai débuté. Quand je suis
arrivé, en août 2008, il y avait un groupe avec beaucoup de joueurs
expérimentés (Henry, Gallas, Malouda, Anelka…), et très peu de
changements. C’était plus intimidant qu’aujourd’hui pour les nouveaux…
Il y a un an, au Touquet, vous quittiez les Bleus juste avant l’Euro, en gardez-vous une certaine amertume ?
Non,
j’étais déçu mais pas fâché. Je ne l’ai pas du tout mal pris. Il faut
profiter du moment, l’équipe de France n’appartient à personne.
Vous attendiez-vous à revenir en cette fin de saison en équipe de France ?
Pas
mal de personnes de mon entourage me le prédisaient. C’est en
enchaînant les matches, que les performances et les sensations
reviennent et qu’on redevient sélectionnable. J’ai joué seulement 23
matches cette saison, toutes compétitions confondues, à cause de
blessures, mais j’ai beaucoup bossé aussi pour revenir. C’est moins
fatigant de jouer tout le temps que d’être blessé et de devoir
travailler pour retrouver le rythme. Avec pas trop de temps de jeu, on
est obligé de mettre les bouchées doubles, rien ne remplace la
compétition, on a beau s’entraîner sérieusement, ça ne revient qu’avec
les matches, l’intensité du match, c’est la vérité. En match, on est
capable de se surpasser physiquement. Plus que dans l’entraînement où
c’est plus dur à faire, je pense. Je dois encore accumuler les temps de
jeu, démarrer un maximum de matches, je ne suis pas encore revenu au
top, mais c’est pas mal. Ça sera de mieux en mieux.
« Si des clubs sont intéressés et intéressants, je ne ferme la porte à rien du tout »
Ce sera toujours avec Lyon, la saison prochaine ?
Pour
l’instant, ça n’a pas trop bougé pour moi. J’ai encore deux ans de
contrat, on discutera tranquillement. Si des clubs sont intéressés et
intéressants, je ne ferme la porte à rien du tout. Mais il faut que tout
le monde soit d’accord. Le plus important, c’est de jouer, mais il faut
voir le projet sportif, si on compte sur moi, les moyens qu’on se donne
pour réussir, avoir des idées bien claires, qui ne changent pas après
une défaite… J’ai une certaine conception du football, de la philosophie
de jeu, je sais dans quelles conditions je peux m’épanouir ou non,
c’est ce qui prime sur le reste même s’il y a un aspect économique qui
entre en jeu. Les entraîneurs ont tellement de pression sur le dos,
qu’ils sont obnubilés par le résultat et oublient les moyens pour y
arriver. En Ligue 1, on ne se détache pas assez du résultat. On essaie
d’être solide défensivement, de ne pas prendre de but surtout et puis
quand on récupère le ballon on doit vite « gicler » en contre… On est
constamment dans le duel, les « un contre un », alors que les
Barcelonais par exemple évitent les duels, essaient de se déplacer dans
les intervalles, font preuve de patience en redoublant les passes,
utilisant toute la largeur du terrain. Pour moi c’est ça, le foot.
Vous imaginez-vous entraîneur, dans une autre vie ?
Je
ne sais pas… J’ai l’impression comme le foot évolue, que ça devient de
plus en plus difficile. À l’époque où mon père a débuté comme
entraîneur, dans les années 80, peut-être… Mais aujourd’hui, pour gérer
les groupes, la communication, etc., ça me paraît compliqué, beaucoup
moins authentique. »
Recueillis par Jérôme Bergot à Montevideo.
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