Ces éclats illuminent encore le souvenir du joueur qu’il fut - le temps de deux saisons - à Bordeaux, mais ses rechutes à répétition rappellent sans cesse la réalité qui exige, pour performer, la régularité inhérente à tout joueur promis aux sommets. En fin de compte, s’il fallait résumer son passage à Lyon depuis 2010, l’image d’un électrocardiogramme en montagne russe ne serait pas fortuite. Mais que serait-il advenu de lui si l’opinion publique n’avait pas systématiquement joué le rôle de défibrillateur ?
Son mental, la fausse excuse
On a souvent reproché à Gourcuff son mental faiblard face aux situations qui ne tournaient pas à son avantage. Ainsi, Raymond Domenech, sélectionneur de l’équipe de France au moment de la débâcle de Knysna, soulignait volontiers son incapacité à s’imposer dans un collectif caractériel.
À Lyon, son échauffement systématique en marge du groupe lui a également valu cette réputation de soliste énamouré d’un football qui n’appartenait qu’à lui, au détriment de ses coéquipiers. Une sorte de marginalité cultivée volontairement afin que tout le monde comprenne bien le personnage rendu mystérieux par l’alternance de performances tantôt splendides, tantôt anonymes. Mais le mental est-il vraiment ce qui empêche Gourcuff d’exploser ?
Les deux dernières saisons montrent plutôt que sa principale limite réside dans un physique qui ne le laisse jamais en paix. Après que sa cheville lui a causé nombre de soucis il y a deux saisons – jusqu’à l’opération - ses adducteurs ont pris le relai, au point qu’il devient surprenant de le voir enchainer cinq matches consécutifs. Ses absences à répétition apportent d’ailleurs un paradoxe, trait indissociable de sa personnalité : ne faut-il pas faire preuve de force mentale pour revenir constamment après une blessure ? Si tel est le cas, Yoann Gourcuff est sans doute l’un des joueurs les plus costauds qui existent.
Sa personnalité, le vrai frein
Le poste de meneur de jeu a ceci de particulier qu’il devient la clé de voûte d’une équipe, en piochant sa légitimité dans une supériorité technique, agrémentée d’un leadership qui peut se manifester de différentes façons. Soit il est assumé par une personnalité de « meneur d’homme », soit il repose sur un crédit accordé aveuglément au joueur qui débloque naturellement les situations et qui le devient donc par procuration.
Yoann Gourcuff n’est pas de la première catégorie. Malheureusement, il n’est de la deuxième que par intermittence. Sur le sujet, les blessures qui l’empêchent d’être la plupart du temps sur le terrain ne sont que partie de l’explication. Sa personnalité est en cela un frein à l’expansion de son talent. Le natif du Morbihan n’a pas les codes du football moderne qui exigent de pouvoir s’imposer, avec toutes les dimensions que cela comporte, dans un vestiaire. Face à ceux qui parleront plus fort que lui, Gourcuff aura plus tendance à s’effacer et ravaler ses idées plutôt que d’aller chercher un mégaphone. Certains diront qu’il n’a pas les épaules pour assumer son talent, et ce ne serait finalement que trop bien grossièrement résumé.
La paix, ce dont il a besoin
Avec la personnalité de l’homme, on
comprend aisément que la machine médiatique n’est pas celle qu’il
préfère piloter. Peut-être, les virages y sont-ils trop fréquents pour
lui. Peut-être sont-ils trop dangereux aussi. Car Yohann Gourcuff n’a
jamais demandé à être considéré comme le futur Zinédine Zidane parti au grand Milan pour parfaire une formation qui n’avait, à l’époque, rien à envier aux pôles français.
C’est pourtant en cette qualité qu’il passe
de nouveau les Alpes pour retrouver la Ligue 1 et son manque de
technicité. Et c’est bien aux côtés de Laurent Blanc qu’il devient
champion la même saison que sa première sélection en Bleu. Le mythe est
en route. Tous les nostalgiques s’empressent de lui prêter le sobriquet
du numéro 10 champion du monde, ponctué de l’incertitude temporelle d’un
futur qui se garde toujours de donner à la France un véritable
héritier. Sélectionné, blessé, pas au niveau, de retour, blessé,
monstrueux, anonyme, blessé, disparu, mort. Mais en 2014, plus de cinq
ans après sa première apparition sous le maillot frappé du coq, les cinq
matches d’affilée de Gourcuff en Ligue 1 suffisent à le ressusciter.
En football, tout le monde a la mémoire
courte et peut, sans crier gare, faire de cinq passes décisives et trois
buts le signe d’une renaissance déjà promise à la déliquescence. Mais
il est temps de comprendre que ce dont il a besoin, c’est de calme, de
sérénité. Il a besoin de la paix qu’on ne lui a plus accordé depuis cinq
ans. Voilà ce que recherche Yoann Gourcuff. Peut-être
faut-il d’ailleurs qu’il aille la chercher hors de France et loin de son
équipe ? L’exemple à suivre vient par un délicieux hasard d’un
ex-lyonnais, exilé par choix avant de revenir dans le championnat
français jouer son meilleur football. Par pitié, laissez Yoann Gourcuff
en paix. Il reviendra tout seul vers le bruit, par la force des choses. (goal.com)
Ses absences à répétition apportent d’ailleurs un paradoxe, trait indissociable de sa personnalité : ne faut-il pas faire preuve de force mentale pour revenir constamment après une blessure ? Si tel est le cas, Yoann Gourcuff est sans doute l’un des joueurs les plus costauds qui existent.
RépondreSupprimerTout à fait.