Éric Bedouet, le préparateur physique de Bordeaux et des Bleus,
s'est occupé de Yoann Gourcuff durant deux saisons, aux Girondins.
Autant dire que l'homme est bien placé pour parler du corps capricieux
du milieu lyonnais. Sur le sujet, il est même intarissable. Et plein
d'amour.
Quand il est arrivé à Bordeaux, il sortait d'une
saison quasiment blanche à Milan. Je m'attendais donc à un joueur
embêté physiquement, qui allait subir une préparation plus longue et
plus compliquée. Et bien pas du tout ! Il a appliqué exactement ce qu'on
lui demandait de faire. Il s'est trouvé qu'au fil des matchs, on s'est
aperçu - on avait une équipe très intelligente - qu'avec Yoann, on
pouvait réaliser quelque chose d'autre que simplement un bon classement
en championnat. Tous les joueurs se sont rendu compte qu'il fallait
absolument l'aider, l'encourager. Cela s'est fait naturellement. Ils se
sont rendu compte qu'il y avait un super joueur dans le groupe, et qu'en
faisant des tâches que lui n'aimait pas, on allait obtenir des
résultats meilleurs que ce qu'on espérait, et c'est ce qu'il s'est
passé. Je crois que c'est ça : le groupe s'est aperçu qu'on avait à
faire à quelqu'un de hors normes. Au niveau technique et au niveau
physique. Physiquement, pour moi, c'était un monstre. Il était
extrêmement pointilleux, il voulait connaître le déroulement des choses,
savoir pourquoi on faisait tel exercice. Il fallait constamment être à
son écoute, et lui expliquer. On a fait des tests particuliers,
justement pour lui expliquer, et là, on s'est rendu compte qu'il avait
un potentiel physique énorme. Énorme. Et puis, avec Laurent Blanc et
Jean-Louis Gasset, il fallait qu'il fasse exactement ce qu'on lui disait
de faire. Parce que c'est quelqu'un qui a tendance à faire plus. Et
c'est ce qu'il s'est passé lors de sa deuxième saison chez nous. Comme
cela a très bien marché lors de la première, il s'est dit qu'en ajoutant
10 à 15% de travail en plus, il allait obtenir 10-15% de résultats
supplémentaires. Mais non ! Ce n'est pas comme cela que ça se passe, la
préparation physique. Donc voilà, c'est un type intelligent, dont on ne
garde que des bons souvenirs. Il n'y a qu'à voir ses analyses de matchs.
Quand il termine le match, il livre quasiment une analyse d'entraîneur,
il a du recul. Cela peut être énervant pour certains, mais c'est
extrêmement agréable quand on a de bons rapports avec lui.
Ces 10 ou 15% de travail en plus qu'il s'est
infligé lors de sa seconde saison bordelaise peuvent-ils expliquer ses
pépins physiques à Lyon ?
Non. Chez nous, il n'a jamais été blessé. Je ne peux pas vous dire ce qu'il se passe à Lyon, je ne connais pas les dossiers.
Cela vous étonne, qu'il ait autant de pépins physiques ?
Oui, forcément, ça me rend curieux. Yoann, c'est une Formule 1 : un tout petit déréglage peut prendre de graves proportions.
À Bordeaux, son hygiène de vie était bonne ?
Je pense qu'elle était normale, même si je
n'étais pas derrière lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Quand je
pense à son passage chez nous, j'ai des frissons. Ce but contre le PSG,
c'est exceptionnel, c'est le très, très haut niveau. Et en équipe de
France, c'est remarquable, ce qu'il a fait. Il y est entré très
facilement. Après, il y a certainement eu un petit déséquilibre quelque
part. Cela lui appartient, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je ne
l'ai plus eu avec moi. Mais physiologiquement, c'était quelqu'un de
très, très, très fort. Très fort. Il n'y avait aucun problème. Il était à
l'écoute de son corps, il faisait attention à tout. Pour moi, il était
même trop à l'écoute. Il était trop pointu, il en voulait toujours plus.
Souvent, je lui disais : « Yoann, arrête ! Là, t'as atteint ton
maximum. Laisse faire, reste comme ça le plus longtemps possible. Déjà,
là, c'est exceptionnel ! » Lui, il avait tendance à vouloir faire un
peu plus. Ce petit plus qu'on fait parfois dans un exercice, lors d'un
travail spécifique, fait souvent basculer de l'autre côté, vers la
blessure, les petits pépins physiques. Et ça, c'était assez compliqué de
lui faire comprendre. Mais cela partait d'un bon sentiment, il voulait
progresser. Est-ce que c'est ce qui explique son état actuel ? Je n'en
sais rien. La préparation physique, c'est un travail de minutie. Le
moindre travail supplémentaire peut entraîner une blessure. Tout comme
une mauvaise nuit, par exemple.
Quel type de questions pouvait-il poser pendant les entraînements ?
Il était attentif à tout. Il voulait savoir
pourquoi on faisait tel type de travail, ce que ça pouvait apporter,
quel type de ressenti... Comme un professionnel qui s'intéresse à son
métier. Il faut expliquer aux joueurs ce qu'on fait, pourquoi on le
fait, et vers quoi on tend avec ce travail-là.
Il lui arrivait de ne pas comprendre l'utilité d'un exercice ?
Non, jamais. C'était une adoration. Tout le
monde l'adorait à Bordeaux. Il revient souvent, d'ailleurs. C'est
quelqu'un qui ne nous a donné que du bonheur. Cela fait 43 ans que je
suis dans le milieu, j'en ai vu, des matchs. Et bien j'ai des frissons
quand je pense à certains de ses matchs. Vraiment. Par exemple, à
Rennes, à 10 contre 11, où on devait absolument gagner, quand il met
cette reprise à la dernière seconde... Tous les joueurs avaient compris
qu'il fallait le protéger de toutes les agressions physiques dont il
pouvait être victime. Il fallait le mettre sur un piédestal, comme un
grand joueur capable de tirer le groupe vers le haut.
Comment se comportait-il avec le reste du groupe ?
Très bien. Le groupe l'adorait et le lui faisait
sentir. Et ça, il adorait. Il sentait un groupe, un club, des
supporters derrière lui. À Bordeaux, c'était le roi, mais il n'en
profitait pas du tout. La seule petite chose qu'il doit améliorer, c'est
de mieux accepter son côté star. Ce n'est pas une tare, d'être reconnu.
Au contraire. C'est quelqu'un d'extrêmement timide et réservé. Cela le
gêne d'être mis au-dessus. Être mis en compétition, à très haut niveau,
avec quelqu'un d'autre, peut éventuellement le gêner. Il n'aime pas le
côté star de ce métier. Il va falloir qu'il fasse des efforts, parce que
ça fait partie du jeu.
À Bordeaux, il n'avait pas de préparateur physique particulier ?
Non, parce que Laurent Blanc ne supporte pas
trop ce genre de choses. Yoann était très proche de Blanc et Gasset,
j'avais souvent son père au téléphone... Christian, c'est un copain. On a
le même âge, on a souvent joué l'un contre l'autre, on se connaît
depuis qu'on a dix-huit ans. On discutait souvent, je savais que de ce
côté-là, il n'y avait aucun souci.
Propos recueillis par Mathias Edwards
Interview très intéressante et objective sur Yoann. Autant il a été bien géré à Bordeaux autant à Lyon c'est un fiasco.......Il faut dire qu'il n'y a que les gones qui comptent. C'est dommage. Bientôt la fin de son contrat et je ne lui souhaite qu'une chose c'est de ne pas se blesser....et qu'il participe à la réussite de l'OL. AMF
RépondreSupprimerTous les joueurs avaient compris qu'il fallait le protéger de toutes les agressions physiques dont il pouvait être victime. Il fallait le mettre sur un piédestal, comme un grand joueur capable de tirer le groupe vers le haut.
RépondreSupprimerCela résume tout à Lyon, les autres joueurs gones attendent sa blessure avec impatience pour prendre sa place, Grenier maintenant Ghezzal et la plupart des autres ont peur qu'il brille à leur place F
oh ,c'est une affirmation que je ne ferais pas mienne concernant Ghezzal .Grenier a du son non-départ à Nice à la blessure de Yo "le malheur des uns fait le bonheur des autres " avait été sa phrase ... Rose qui a remplacé Milan a lui dit que:" certes le malheur des fait le bonheur des autres mais qu'à choisir il préférerait que Milan soit apte et gagner sa place par ses perf's et pas à cause de la blessure d'un co-équipier" ...excellente mentalité ...
RépondreSupprimerMerci beaucoup Coco !
RépondreSupprimerJe viens de prendre connaissance de cet interview sur Yoann avec un immense plaisir. Merveilleux moments, en effet, quand Yoann était à Bordeaux, un véritable joyau que tous adoraient. Et des frissons, comme le dit Eric Bedouet, en effet, j'en ai eu moi aussi souvent lors de ses matchs..Tous (staff, joueurs...) avaient compris intelligemment ce que Yoann pouvait leur apporter dans le jeu, les rendre meilleurs, car c'était un joueur hors normes, qui a un talent énorme. Ils avaient compris qu'avec lui ils étaient tous plus forts, ce que Lyon n'a pas toujours vu ou voulu voir...J'étais si contente que Yoann est arrivé à l'O.L. mais je trouve qu'ils n'ont pas su le gérer comme il le mérite et ne l'ont pas mis dans les meilleures dispositions pour continuer sur sa lancée d'exploits...(comme il l'avait si bien fait avec les Girondins de Bordeaux)
Bordeaux a été pour Yoann une époque fantastique, où tout allait super pour lui et pendant laquelle il se sentait apprécié, et je crois que pour Yoann c'est très très important de se sentir apprécié par tout le monde dans un Club. C'est dans un climat de confiance qu'il peut vraiment donner l'étendue de son talent qui est IMMENSE. On retrouve bien aussi dans cet interview le côté très pro et très perfectionniste de Yoann, peut-être veut-il en effet parfois en faire trop dans sa préparation physique, toujours dans le but d'être plus performant encore. On voit bien aussi qu'il était copain avec tout le monde, simple et n'affichant pas le côté Star, n'aimant pas ce côté-là ...
J'espère sincèrement que Yoann fera une bonne fin de saison, sans nouvelle blessure et qu'il trouvera un très bon Club qui l'appréciera à sa juste valeur et ne le laissera pas sur le banc...comment peut-on laisser un tel joueur avec de telles qualités sur le banc quand on est entraineur ?? je ne comprends pas...espérons que Fournier lui donnera un très long temps de jeu et pas seulement quelques minutes...comme parfois...
et espérons quelques frissons encore ce soir... Allez l'O.L. Allez Yoann, on t'aime ...
YJ
Superbe interview ! Merci Coco pour ce plaisir-là !
RépondreSupprimeron sent beaucoup d'Amour ...et un peu de nostalgie aussi ...
J
A Bordeaux " l'équipe était intelligente"... Tout est dit...
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