Tout a commencé mercredi, alors que sa nouvelle équipe affrontait, lors de la 1re journée de la Ligue des champions, l'AEK Athènes (3-0). Yoann Gourcuff, 20 ans, élégant et désinvolte, aligné d'entrée pour la première fois à cette occasion, a charmé le stade et marqué un but.
"Faites venir Gourcuff à ma table" : tard dans la nuit, Silvio Berlusconi, propriétaire du club, n'a ensuite pas résisté au plaisir de converser en tête à tête avec le jeune joueur. "Mon cher Yoann, vous avez le talent de notre Brésilien Kakà", l'a félicité, en français, l'ancien chef du gouvernement italien en l'accueillant dans la salle privée du restaurant Giannino. Timide, un rien embarrassé, Yoann Gourcuff a répondu : "Disons que, techniquement, je ressemble plus à Zidane qu'à Kakà, mais les comparaisons m'effraient."
Avant le match, Silvio Berlusconi avait pourtant affiché toute sa perplexité en apprenant que l'entraîneur Carlo Ancelotti avait décidé de titulariser un néophyte. "Gourcuff ? Vous en êtes sûr ?", interrogea-t-il. "Parfaitement", insista le coach. Le pari, audacieux, s'est avéré payant.
Fascinés par la personnalité tranchée de ce garçon à la frimousse propre, porte-drapeau rêvé du calcio "assaini" après les affaires, les médias italiens lui ont spontanément réservé un traitement inversement proportionnel à sa célébrité. La Gazzetta dello sport a barré sa "une" deux jours d'affilée de son patronyme aux consonances peu latines : "Urca, quel Gourcuff !" ("Fichtre, ce Gourcuff !") le jeudi et "Stregati da Gourcuff" ("Ensorcelés par Gourcuff") le vendredi. Un événement rarissime, comme l'explique Alberto Cerruti, journaliste de la Gazzetta : "Notre emphase s'explique par la volonté de proposer au public de nouveaux champions après le marasme. Gourcuff a une technique raffinée, un visage sain et ce petit quelque chose qui ne trompe pas."
Seul l'ancien meneur de jeu croate Zvonimir Boban, sur la chaîne à péage Sky, a tempéré l'enthousiasme collectif : "Avant de le juger, je veux voir Gourcuff à l'oeuvre contre une équipe plus solide que l'AEK Athènes."
La révélation du milieu de terrain breton a agi comme un baume calmant sur les blessures psychologiques du scandale Zidane-Materazzi, adoucissant l'acrimonie diffuse envers les Français depuis la finale berlinoise. Sa brillante prestation a permis aux dirigeants du Milan AC, taxés d'avarice, de défendre publiquement la qualité de leur campagne de recrutement estivale, jugée trop modeste pour compenser le départ à Chelsea de l'icône ukrainienne Andreï Chevtchenko.
Yoann devra désormais accepter les nuisances de son nouveau statut, induites par le désir incompressible des tifosi de tout savoir de leur héros. Les télévisions ont déjà révélé qu'il touche 1 million d'euros par an, qu'il vit dans un vaste appartement près du stade San Siro, que sa fiancée s'appelle Anne-Sophie, qu'il aime les magasins de meubles design et adore la musique celte.
Yoann Gourcuff a délibérément choisi de s'exiler en Italie : "J'avais reçu de nombreuses propositions, dont celles du PSG et de Lyon, dit-il, mais en mars les dirigeants milanais m'ont invité à visiter le centre d'entraînement de Milanello avec mon père. J'ai senti qu'ici, au milieu de champions affirmés, je pouvais devenir quelqu'un."
L'approbation de son père, Christian, entraîneur du club de Lorient (Ligue 1), et la nostalgie des soirées passées en famille à regarder à la télévision les parties du grand Milan AC dirigé par le tacticien Arrigo Sacchi ont modelé son intuition en conviction. Affaire conclue : le club lombard a versé 4 millions d'euros dans les caisses de Rennes et mis sous contrat le Français jusqu'en 2011.
Yoann Gourcuff sait à présent qu'il va devoir confirmer que ses 72 ballons joués avec maestria contre l'AEK Athènes n'ont pas été qu'un éclair dans la nuit. Son entente avec le Brésilien Kakà (16 ballons échangés) peut créer l'un des duos offensifs les plus percutants d'Europe. "Je suis heureux qu'on parle de moi, sourit-il. Depuis mon départ de Rennes, j'avais la sensation d'avoir été un peu oublié."(via gourcuffenforce)
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